Un voisin agaçant ne perd pas une occasion de commenter les habitudes quotidiennes des habitants de son immeuble - y compris vous - dans tout le quartier et vous pensez qu'il n'y a aucun moyen de l'arrêter ? Eh bien, repensez-y : si de nos jours les commérages nourrissent tout un business, il fut un temps où ils ne jouissaient pas d'un si bon crédit au niveau social, et pouvaient en effet devenir la cause de punitions douloureuses et exemplaires, à l'aide d'un outil diabolique : le harnais de la commère.
Le harnais de la commère n'était pas très différent de celui utilisé pour les chevaux : il s'agissait en fait d'une sorte de muselière, composée d'une structure en fer qui enfermait toute la tête du malheureux, et équipée d'une plaque pointue à insérer dans la bouche pour bloquer et blesser la langue.
C'est précisément ce détail particulier qui nous révèle le genre de personnes qui étaient soumises à la punition : les ragots, surtout les femmes. Non pas parce que le genre féminin est plus enclin à critiquer les autres, mais parce qu'il était considéré comme immoral que les femmes parlent trop en public, d'ailleurs de sujets déshonnêtes et intimes aux autres. Ce n'est pas par hasard que ce soient souvent les maris eux-mêmes qui aient dénoncé leurs épouses pour qu'elles soient dûment "bridées" ; même il y a aussi des cas d'hommes tout aussi bavards qui ont subi cette torture amère sur leur propre langue. Mais la torture ne s'est pas arrêtée là : les ragots ont été traînés dans toute la ville, pour que tout le monde puisse les insulter et peut-être se venger.
La première commère officielle de l'histoire à avoir été punie de cette façon fut Bessie Tailiefeir en 1567, pour avoir dit qu'un certain Baillie Thomas Hunter d'Edimbourg avait triché sur les mesures de la terre ; on ne saura jamais si la pauvre Bessie avait raison. Le harnais de la commère a été couronné de succès aux XVIe et XVIIe siècles en Angleterre, en Écosse et au Pays de Galles, et s'est rapidement étendue à l'Allemagne, où les Allemands ont perfectionné la torture, ajoutant une clochette, pour pouvoir informer tout le pays du passage de la malheureuse commère. Il va sans dire que, quel que soit le genre, seules les classes inférieures étaient punies ; les riches et les aristocrates pouvaient jaser tranquillement sans subir aucune punition. Bref, les méthodes auront changé, mais les paramètres de jugement restent toujours les mêmes.